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Cohésion, participation et démocratie , Participation citoyenne et engagement , Territoire

L'acceptabilité sociale et les territoires

— Mariella Collini

Depuis quelques années, la notion d’acceptabilité sociale est étudiée, discutée, revendiquée et même, mise en pratique. Et pourtant, cette notion, entendue et utilisée de plus en plus couramment, demeure floue. Deux chercheurs de l’UQAR, Marie-José Fortin et Yann Fournis1, relèvent cinq grandes idées préconçues au sujet de l’acceptabilité sociale et invitent à la considérer comme une opportunité de penser autrement le développement à l’échelle des territoires.

 




LES CINQ IDÉES À DÉPASSER VIS-À-VIS L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE

Le conflit est un signe de dysfonctionnement et doit absolument être évité.

L’acceptabilité sociale, qui prend généralement sa source dans la controverse, est souvent associée à un conflit social, à éviter ou à résoudre. Ainsi, tout obstacle qui pourrait remettre en cause la réalisation d’un projet de développement est vu comme le contraire à son acceptabilité sociale, perçue par l’atteinte d’un consensus partagé à l’égard dudit projet. Est-ce à dire qu’en l’absence de tensions sociales ou de conflits au sein d’une communauté, il y a acceptation? Tel n’est pas forcément le cas. En l’occurrence, devrait-on envisager la présence de conflits comme l’opportunité d’ouvrir des voies alternatives vers une plus grande dynamique collaborative et coopérative pour l’avenir des communautés?

Refuser un projet au nom du paysage ou de la qualité de vie, c’est faire preuve d’égoïsme.

De manière répandue dans le discours public, les revendications portant sur la qualité de vie et la conservation du paysage seraient motivées par des intérêts privés ou individuels, plutôt que pour le bien commun. C’est ce que l’on appelle communément le syndrome « pas dans ma cour ». Bien qu’il soit de plus en plus admis que les avantages économiques d’un projet, par exemple la création d’emplois au sein d’une communauté, ne doivent pas occulter d’autres préoccupations tout aussi légitimes, il reste que dans la pratique, selon les auteurs, certaines préoccupations de nature sociales ou environnementales tendent encore à être banalisées.

L’acceptation est un agrégat d’opinions individuelles mesurables et malléables.

Le degré d’acceptation des personnes concernées envers un projet est loin d’être fondé uniquement sur des opinions subjectives que les promoteurs tenteront de mesurer par des sondages d’opinion ou encore, de faire évoluer vers le sens désiré par la tenue de soirées portes ouvertes ou de campagnes d’information. S’appuyant aussi sur des faits objectifs, qui peuvent survenir en amont du projet ou à une autre étape, le jugement des personnes concernées peut ainsi évoluer en faveur ou en défaveur d’un projet.

Un dialogue ouvert permet de dépasser les conflits et d’assurer le succès d’un projet.

Dans la suite de ce qui précède, cette idée repose sur un postulat voulant que plus le processus de consultation est ouvert et favorable aux échanges et au compromis, plus les probabilités seraient fortes de faire primer l’intérêt commun menant ultimement, vers la légitimité, voire le succès du projet. Or, des études contredisent ce lien. Elles insistent sur la prise en compte du contexte local, et même historique ainsi que de certaines conditions socioéconomiques (ex. : économie en difficulté, populations vulnérables, environnement dégradé, etc.) dans lequel s’opèrent les mécanismes de consultation et de participation. Les meilleurs processus ne mèneront pas toujours à une acceptation.

L’acceptabilité sociale, c’est forcément conduire à l’acceptation d’un projet.

L’acceptabilité sociale ne se résume pas à une vision binaire, pour ou contre un projet. Les auteurs proposent plutôt de l’envisager comme un processus pouvant résulter dans des formes d’acceptation faible ou passive et d’acceptation forte, qui reposent sur des notions d’engagement et de pouvoir. Du point de vue des auteurs, l’acceptation passive d’un projet par une majorité silencieuse, sans possibilité de débat véritable ou refus, ne devrait plus être la norme. À l’inverse, l’acceptation forte pourrait ultimement faire du projet de développement un projet du territoire, voire pour le territoire.

L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE ET LA PERSPECTIVE TERRITORIALE

L’acceptabilité sociale repose sur le rapport à autrui, à la communauté et au territoire. Elle doit permettre l’expression de valeurs communes, d’une vision du territoire et d’un modèle de développement à privilégier. Elle se présente, tel un processus continu dont l’objet est de faire le pont entre les revendications citoyennes (sociales, économiques et environnementales) et les projets qui s’inscrivent dans les intérêts « nationaux » ou dans des modèles économi-ques souvent mondiaux.

Ultimement, l’avenir du territoire et de la communauté devrait permettre de juger de la pertinence et de la qualité d’un projet. Reste à considérer les capacités des acteurs territoriaux à mobiliser l’ensemble des parties prenantes pour relier les grands projets aux spécificités des territoires.

UNE DÉFINITION PARMI PLUSIEURS

Au cours des dernières années, plusieurs définitions révélant des conceptions différentes de l’accep-tabilité sociale ont été avancées. D’un point de vue territorial, Fortin et Fournis définissent l’acceptabilité sociale comme « un processus d’éva-luation politique d’un projet mettant en interaction une pluralité d’acteurs impliqués à diverses échelles et à partir duquel se construisent progres-sivement des arrangements et des règles institutionnelles reconnues légitimes, car cohérentes avec la vision du territoire et le modèle de déve-loppement privilégié par les acteurs concernés ».

 

 

Source : Fortin, M-J. et Fournis, Y. (2016). L’acceptabilité sociale pour co-construire le développement des territoires? Revue Vie économique, volume 8, numéro 1, 9 pages.

 



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