L'Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

< Les bulletinsTélécharger ce bulletin Avril-mai 2023

Cohésion, participation et démocratie , Santé , Territoire

Perdre son chez-soi

— Mariella Collini

Les aléas environnementaux et les projets de développement peuvent entraîner la relocalisation préventive et l’expropriation domiciliaire de citoyennes et citoyens. Un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) met en lumière les principaux effets sociaux et psychologiques associés à ces processus et vécus par les communautés concernées. Une recension des meilleures pratiques en vue d’éviter ou d’atténuer les effets négatifs est présentée.




Une revue de littérature a permis de relever 23 documents ayant passé les critères de pertinence et l’appréciation de qualité. De ce nombre, 9 portent sur des cas de relocalisation préventive associés aux menaces environnementales et 14 sur des cas d’expropriations. Parmi les 23 expériences sélectionnées, 10 se sont déroulées au Canada, dont 9 au Québec.

ACCEPTER OU NON DE PARTIR
Face à la possibilité d’une relocalisation préventive en raison de risques environnementaux (inondations, tornades, etc.), l’acceptation de partir s’explique généralement par la perception élevée des risques, les conséquences psychologiques qu’un tel événement pourrait avoir, ainsi que l’espoir d’être plus en sécurité ailleurs. Inversement, l’attachement au milieu, les désavantages financiers et une perception de risque faible motivent la décision de rester.

EXPÉRIENCES D’EXPROPRIATION
Des 23 références, 14 concernaient des expropriations domiciliaires en lien avec 11 projets de développement (p. ex.: projets miniers, incluant Osisko à Malartic, barrages, routes, aéroport et parcs) et 3 menaces toxicologiques. Selon la littérature analysée, bien qu’un processus d’expropriation génère davantage d’effets négatifs que positifs, les personnes concernées ne seront pas toutes affectées de la même manière.

L’annonce et ses répercussions
Dès l’annonce d’un projet d’expropriation et de rachat, des sentiments d’injustice et d’impuissance ainsi que de la colère et de l’anxiété peuvent être ressentis par les personnes expropriées. L’absence de mécanismes de participation citoyenne et d’un réel choix (partir ou rester), le manque de transparence et d’information entourant les modalités d’expropriation peuvent occasionner des fractures sociales, des confrontations et des conflits au sein de la communauté ainsi qu’une perte de confiance envers les autorités ou l’expropriant.

La mise en oeuvre et ses répercussions
Parmi les modalités liées au processus d’expropriation, c'est la négociation de gré à gré avec l’expropriant qui occasionne le plus d’effets psychologiques chez les personnes concernées, suivie par les délais requis entre l’entente et la vente. Divers effets négatifs tels que l’anxiété ou les sentiments de mécontentement et d’injustice sont attribuables à la pression de l’expropriant sur l’exproprié afin de s’entendre rapidement pour éviter de judiciariser l’entente, alors qu’il est difficile d’attribuer une valeur à la résidence pour une relocalisation dans un lieu comparable. Une impression de « gagnants » et de « perdants » est men-tionnée dans certains cas. Plusieurs conséquences de l’expropriation ont été relevées dans les études sur le sujet :

- Un effritement du tissu social.
- La perte d’un mode de vie, d’un patrimoine familial ou d’une appartenance identitaire à un territoire (fragmentation des quartiers).
- L’appauvrissement de certains ménages, notamment à faible revenu et la perte de services de proximité.
- Des manifestations de tristesse, de déses-poir, de détresse, de dépression, d’anxiété et de peur, particulièrement chez les jeunes familles et les personnes âgées.
- Des sentiments d’impuissance, de perte de contrôle et d’injustice, surtout si l’expropriation n’a pas eu les résultats attendus.

BONNES PRATIQUES
La revue de littérature propose d’évaluer les impacts sociaux et individuels en amont des projets de relocalisation et d’expropriation et de prendre en compte les contextes locaux, qu’ils soient de nature historique, culturelle, sociodémographique ou socio-économique. Un souci particulier doit être porté à la mise en place de programmes d’accompagnement durant la négociation, mais également pendant et après le déménagement (isolement à la suite de l’effritement du tissu social). Des échanges constants (liaison, forum virtuel) entre l’expropriant et les personnes expropriées doivent avoir cours pour assurer la transparence du processus. Dans le cas d’une relocalisation préventive, la flexibilité des programmes d’aide financière, par exemple, en n’imposant pas de date limite d’adhésion, pourrait assurer une « réelle liberté de choix ». Finalement, un cas propose de permettre une relocalisation temporaire dans un contexte de menace toxicologique.



M'inscrire