L'Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

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Pauvreté et inégalités

Rester sur sa faim

― Mariella Collini

Qu’elle soit de nature transitoire, épisodique ou régulière, l’insécurité alimentaire peut toucher diverses personnes, jeunes ou plus âgées, vivant seules ou avec d’autres et encore, bénéficiant de soutien au revenu ou ayant un revenu d'emploi. En ce mois de décembre, qui rime souvent avec générosité envers les personnes plus vulnérables, survolons ce phénomène qui demeure difficile à chiffrer.




Insécurité alimentaire

L’insécurité alimentaire survient lorsqu’une personne est préoccupée par la possibilité de manquer d’aliments (insécurité marginale), est dans l’incapacité de se procurer des aliments de qualité ou en quantité suffisante (insécurité modérée) ou est dans l’obligation de réduire l'apport alimentaire ou voit ses habitudes alimentaires perturbées (insécurité grave).

En Abitibi-Témiscamingue, l’insécurité alimentaire touche 7 % des personnes de 12 ans et plus, soit environ 8 300 individus dans la région1. Un pourcentage similaire (7 %) est noté dans le reste du Québec. Cette proportion inclut l’insécurité modérée et grave, mais occulte l’insécurité dite marginale ainsi que l’insécurité chez les enfants (moins de 12 ans).

Aide alimentaire de derniers recours

Les personnes vivant de l’insécurité alimentaire développent généralement diverses stratégies pour y faire face (privation, aide du réseau social [famille, amis], autosuffisance, etc.) avant de recourir aux services d’aide alimentaire. La récente étude PARCOURS2 menée dans quatre régions du Québec démontre que 46 % des personnes qui ont recours pour la toute première fois aux banques alimentaires (incluant les organismes communautaires affiliés) sont en situation d’insécurité alimentaire grave.

En Abitibi-Témiscamingue, deux banques alimentaires – la Ressourcerie Bernard Hamel et le Centre de bénévolat de La Vallée-de-l’Or –, par l’entremise d’organismes affiliés répartis dans les cinq territoires de MRC, desservent les personnes qui éprouvent de grandes difficultés à se procurer des denrées alimentaires.

Le Bilan-Faim 2021 indique que 8 528 personnes de la région ont été aidées, tous services confondus – programmes de dépannage alimentaire (paniers de provisions), services de repas et collations –, par les banques alimentaires et organismes affiliés en mars 2021. Uniquement pour le dépannage alimentaire, 3 041 personnes ont été aidées, parmi lesquelles 32 % étaient des enfants3.

Composition des ménages bénéficiaires du dépannage alimentaire en Abitibi-Témiscamingue, mars 2021 :

> 64 % des ménages étaient formés d’une personne (62 % en 2019)
> 23 % étaient des familles biparentales avec enfants et monoparentales (24  % en 2019)
> 13 % étaient des couples sans enfants (14  % en 2019)
> 87 % des ménages étaient locataires (logement ou chambre) (77 % en 2019)
> 54 % des ménages étaient prestataires de l’aide sociale (56 % en 2019), 35 % pour tous les autres types de prestations de revenu (assurance-emploi, vieillesse, invalidité, etc.) (22 % en 2019) et enfin, 11 % avaient un emploi (13,5 % en 2019).

Le Bilan-Faim 2021 note une légère diminution du nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire dans la région entre mars 2019 et mars 2021. Parmi les hypothèses possibles, notons le transfert de bénéficiaires admissibles à certains programmes de soutien de revenu vers la Prestation canadienne d’urgence (PCU), l’accessibilité réduite aux services à certains endroits en raison des mesures sanitaires ou encore, la modification des habitudes de consommation des bénéficiaires en raison de ces mêmes mesures (craintes, transport, etc.). Avec la fin de la PCU jumelée aux conséquences de l’augmentation du coût de la vie, les banques et les organismes d’aide alimentaire anticipent une augmentation de la précarité alimentaire de certains groupes plus vulnérables, par exemple les ménages locataires et les personnes vivant seules.  

Vers un portrait du réseau en sécurité alimentaire en Abitibi-Témiscamingue

Centraide Abitibi-Témiscamingue et Nord-du-Québec, en collaboration avec les deux banques alimentaires, les comités en sécurité alimentaire de Rouyn-Noranda et de la Vallée-de-l’Or, la Santé publique et la direction régionale du ministère de l’Agriculture (MAPAQ), réalise un portrait régional du réseau en sécurité alimentaire. L’étude abordera la présentation et la portée actuelle du réseau de l'Abitibi-Témiscamingue (fonctionnement, logistique [transport], finance, clientèle desservie, impacts dans la communauté), la concertation territoriale de la sécurité alimentaire ainsi que des constats et recommandations. L’échéancier du projet est mai 2022.

Source : Centraide Abitibi-Témiscamingue et Nord-du-Québec.

Finalement, l’accès aux aliments demeure un enjeu régional important, que ce soit à cause de la capacité financière des ménages ou encore de l’accessibilité géographique ou physique aux commerces d’alimentation sur un vaste territoire. Les efforts d’une multitude d’organismes devront se poursuivre pour trouver des pistes de solution innovantes adaptées à la réalité de l'Abitibi-Témiscamingue pour y accroître la sécurité alimentaire.

[1] CISSSAT, Population dont le ménage a connu une insécurité alimentaire – 2017-2018, tirées de l’ESCC, novembre 2020. L’indicateur est basé sur l’indice de sécurité alimentaire du ménage, construit par Santé Canada.

[2] Chaire de recherche du Canada Approches communautaires et inégalités de santé (Chaire CACIS) en collaboration avec les Banques alimentaires du Québec, Étude Parcours, 2021.

[4] Banques alimentaires du Québec, Bilan-Faim 2021, 2021.

Article publié par l’Observatoire en novembre 2021.

 



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