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Transport
Avenir du transport interurbain dans la région
– Madeleine Lefebvre
Une récente étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) sonne l’alarme concernant l’avenir du transport interurbain par autocar au Québec. Ce mode de transport collectif est pourtant essentiel au développement de régions telles que l’Abitibi-Témiscamingue, en plus d’être une avenue prometteuse de lutte aux changements climatiques. Aperçu de la situation de l’offre de services de transport interurbain en Abitibi-Témiscamingue.
Au cours des quarante dernières années, le nombre de départs hebdomadaires d’autocars privés dans la province est passé de 6 000 à 882, une baisse de 85 %. Les six dernières années ont connu une accélération du déclin de l’offre de transport, avec une diminution du tiers des départs hebdomadaires. L’IRIS qualifie la situation actuelle de crise et suggère que des décisions devront être prises concernant le financement et les politiques publiques encadrant l’industrie du transport interurbain. En effet, le modèle actuel, basé sur la contribution financière des usagers, ne permet pas d’assurer le maintien de l’offre.
La situation est la même dans la région. En Abitibi-Témiscamingue comme dans la plupart des régions québécoises, c’est l’entreprise privée qui assure le service de transport interurbain, en l’occurrence Les Autobus Maheux. Des données obtenues de l’entreprise indiquent une diminution de 37 000 passagers annuels entre 2013 et 2023, pour la liaison (Abitibi-Témiscamingue – Montréal) et huit autres liaisons régionales. Cette baisse de 33 % de l’achalandage a contraint l’entreprise à réduire la fréquence du service offert sur trois trajets. Ainsi, de Val-d’Or à Matagami, la fréquence est passée de six à deux aller-retour par semaine. La liaison Val-d’Or – Rouyn-Noranda avec retour à Val-d’Or en après-midi est passée de cinq à une seule fois par semaine. Les départs quotidiens de Rouyn-Noranda vers Montréal sont passés de trois à deux. Globalement, le réseau Maheux est passé de 150 départs hebdomadaires en 2016 à 132 actuellement, sur le territoire témiscabitibien et du nord québécois. Aucun service n’a pour l’instant été totalement coupé, c’est-à-dire que toutes les localités autrefois desservies continuent de l’être, mais la diminution de la fréquence peut représenter une perte d’accessibilité et d’efficacité pour certains usagers.
Figure 1. Achalandage du réseau interurbain chez Les Autobus Maheux (en milliers de passagers)
> Exercices financiers du 1er juillet au 30 juin
Source : Les Autobus Maheux.
Le transport collectif interurbain est de moins en moins populaire, décennie après décennie, depuis les années 1970. Les gens préfèrent utiliser l’automobile pour circuler à travers la province. De ce fait, les politiques publiques sont guidées par l’hégémonie de l’automobile, malgré que ce mode de transport soit plus polluant et limite l’accessibilité aux territoires excentrés et aux services publics.
L’étude de l’IRIS corrobore le discours maintes fois entendu régionalement concernant l’avenir précaire du transport collectif interurbain. Dans un avis déposé en mars 2018, la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue dénonçait que les programmes du ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification excluaient les transporteurs privés. Un sommet sur le transport régional interurbain était en outre réclamé, à l’instar de celui tenu en 2017 sur le transport aérien régional, pour élaborer une stratégie concertée de maintien et de développement du transport collectif. Un rapport sur lagouvernance du transport collectif au Québec publié en 2022 soulignait lui aussi l’urgence de revoir le modèle de financement.
En conclusion, un consensus ressort quant à l’importance sociale, économique et environnementale du transport collectif interurbain. Les problèmes du système actuel sont connus, tout comme les solutions à envisager.
Sources :
Autobus Maheux, Données obtenues à la suite d’une demande de l’Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue, décembre 2023.
Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue, Avis concernant la pérennité du transport collectif régional interurbain en Abitibi-Témiscamingue et communiqué, 2018.
Pratte, C. et Schepper, B., Le transport interurbain par autocar au Québec. Portrait d’une industrie à la croisée des chemins, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), 2023.
Roy, J., La gouvernance du transport collectif au Québec : Enjeux et pistes de solution, Centre sur la productivité et la prospérité Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal, 2022.