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Démographie

L'ABC des données de population

 Mariella Collini

En plus des chiffres de la population du Recensement de 2016 de Statistique Canada et des plus récentes estimations de population de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), voilà que circuleront sous peu les chiffres de population liés au décret gouvernemental. Alors que les chiffres diffèrent légèrement d’une source à l’autre, et ce, pour une même région, une même MRC ou encore, une même municipalité, comment s’y retrouver? Voici quelques points de repère.




Au commencement : le Recensement de Statistique Canada

Tous les cinq ans, Statistique Canada procède au recensement de la population grâce à un questionnaire envoyé à tous les ménages canadiens. Cette opération établit un compte de la population à une date de référence précise, en l’occurrence, pour le Recensement de 2016, le 10 mai 2016. Durant cet exercice d’envergure, il est inévitable qu’un certain nombre de personnes soient omises (sous-dénombrement) et que d’autres personnes, moins nombreuses, soient comptées plus d’une fois (surdénombrement)[1]. L’un comme l’autre peut introduire un biais dans les chiffres officiels. L'écart qui existe entre l’un et l’autre est appelé le sous-dénombrement net.

Pour évaluer cet écart, l’agence fédérale réalise, dans les mois suivants le Recensement, des études de couverture de la population auprès d’un échantillon représentatif de la population[2]. Il faut généralement attendre deux ans après la date du recensement pour en connaître les résultats. Au Recensement de 2016, le taux de sous-dénombrement net de la population du Québec était évalué à 0,6 %.

Ce qu’il faut retenir :

  • À la suite de la diffusion des données de recensement par Statistique Canada, les chiffres de population ne sont pas modifiés pour tenir compte du sous-dénombrement net. En d’autres mots, lors de la consultation des données du Recensement de 2016 (Profil de recensement ou tableaux statistiques au catalogue), quiconque doit avoir en tête que les données sous-estiment légèrement la population des entités géographiques ou de certaines catégories de personnes
  • Pour ajuster les chiffres de la population de base du recensement, Statistique Canada conjugue aux comptes de population les résultats des études de couverture, dont le taux de sous-dénombrement net, pour établir un nouveau compte de la population ajusté calculé pour la même date de référence et utilisé, par la suite, comme base pour les estimations démographiques.

Par la suite : les estimations de population

Ainsi, pour fournir des données de population entre les recensements quinquennaux, Statistique Canada produit des estimations de la population (totale, selon le sexe et l’âge) [3], qui sont établies au 1er juillet de chaque année. Les estimations sont disponibles en septembre pour les provinces et les territoires et généralement en février pour les régions métropolitaines de recensement (RMR) et les divisions de recensement (DR), communément les MRC au Québec. C’est à partir de ces données que l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) produit les estimations de la population à l’échelle des régions administratives, des MRC et des municipalités, et ce, sur une base annuelle.

Présentement, les estimations de la population pour les régions, les MRC et les municipalités des années 2011 à 2018 diffusées par l’ISQ en mars dernier ont fait l’objet d’une révision importante, suite aux études de couverture. Les estimations postcensitaires de la population, soit à partir de 2016, se fondent sur les comptes du Recensement de 2016 rajustés pour le sous-dénombrement net et les réserves indiennes partiellement dénombrées, auxquels est ajoutée annuellement une estimation du bilan des différents événements démographiques enregistrés par la suite (naissances, décès et mouvements migratoires)[4]. La qualité des estimations réside notamment dans « l’actualité » des composantes démographiques retenues au modèle méthodologique, c’est-à-dire à l’accès ainsi qu’à la mise à jour des données provenant de bases de données administratives ou d’enquêtes.

Ce qu’il faut retenir :

  • En raison du fait que certaines données utilisées dans le modèle méthodologique (naissances, décès, mouvements migratoires) ne sont pas définitives, les estimations annuelles sont dites « provisoires » pour l’année la plus récente, alors qu’elles sont dites « révisées » pour certaines des années antérieures.
  • Les estimations peuvent présenter une plus grande variabilité à mesure que l’on s’éloigne de la date du recensement. La prudence est de mise lors de l’interprétation des données.

Entre chaque diffusion des estimations de populations annuelles : le décret de la population officielle des municipalités du Québec (MAMH)

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) produit également les données pour le décret annuel de population des municipalités pour le compte du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). Or, les estimations de population produites pour le décret diffèrent de celles que publie en début de chaque année l’ISQ sur son site Web. Pourquoi? Afin de déposer les estimations de population dès novembre pour l’adoption du décret en décembre de chaque année, l’ISQ doit adapter sa méthodologie en fonction de l’accessibilité aux données disponibles à ce moment. Par exemple, si les estimations reposent sur les mêmes composantes démographiques, les sources de données comprises dans le calcul, elles, n’auront pas systématiquement la même période de référence et ne seront pas ajustées sur les estimations de population de la Division de Recensement de Statistique Canada, données qui ne sont pas disponibles au moment de la préparation du décret.

La méthodologie peut ainsi varier d’une année à l’autre; qu’il s’agisse de la base du recensement utilisée, de la disponibilité des données ajustées du sous-dénombrement net ou des estimations de population produites par Statistique Canada, ou encore de l’accès et de l’actualisation des données administratives (naissances, décès, mouvements migratoires) utilisées au moment de la compilation des données ou simplement à la suite d’un changement apporté à la méthode. Voilà pourquoi les estimations annuelles de population adoptées au décret diffèrent de celles produites dans les mois qui suivent par l’ISQ, et ce, à la lumière des données les plus récentes disponibles.

Ce qu’il faut retenir :

  • Les sources de données et les méthodes utilisées pouvant différer lors de la production des estimations de population associée au décret, il ne faut pas comparer ces estimations par rapport à l’année précédente, ou encore par rapport à d’autres données démographiques. Les données comprises au décret doivent être utilisées par les instances gouvernementales et les municipalités à des fins administratives – préparation de budgets, application des lois ainsi que pour la gestion des programmes gouvernementaux – et non comme un outil de connaissance de l’évolution démographique des municipalités.

Sources :

[1] Statistique Canada, À propos des données, Profil du recensement, Recensement de 2016.

[2] Statistique Canada, Différences entre les comptes du recensement et les estimations démographiques de Statistique Canada.

[3] Idem.

[4] Institut de la statistique du Québec, Le compte de la population : explication des chiffres disponibles.

 Article publié par l'Observatoire en novembre 2019.



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