L'Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

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Communications

Fractures numériques

— Mariella Collini

Malgré les efforts réalisés pour accroître la connexion de la population, le chemin vers la réduction des fractures numériques demeure parsemé d’embûches dans une ère où le numérique façonne de nombreux aspects du quotidien. Immersion dans un récent rapport1 de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) sur la fracture numérique en contexte québécois.




L'expression « fracture numérique » est apparue dans les années 1990 pour désigner les écarts d’accès à Internet. Aujourd’hui, certains proposent plutôt de parler de « fractures numériques » pour illustrer la pluralité des défis associés au numérique : les inégalités d’accès aux technologies numériques, les inégalités de compétences et d’usages et les inégalités de bénéfices sociaux liés à l’usage des technologies numériques. L’analyse de l’INRS fait ressortir sept principaux facteurs de vulnérabilité numérique : âge, localisation géographique, revenu, compétences, niveau d’éducation, type de ménage (personnes vivant seules) et statut d’immigration. Plus généralement, les disparités numériques de groupes de la population posent divers défis tels qu’un accès limité à l’information, des difficultés d’accès aux services publics ou encore des possibilités réduites de participer aux consultations citoyennes en ligne.

Première fracture
Si dorénavant 100 % des 80 928 foyers admissibles ont accès à une connexion haut débit en Abitibi-Témiscamingue dans le cadre de l’Opération haute vitesse2, des disparités notables demeurent.Selon l’enquête NETendances 2023, le taux de branchement à Internet à la maison s’établissait à 76 % en Abitibi-Témiscamingue, comparativement à 93 % à l’échelle provinciale, positionnant la région à l’avant-dernier rang au Québec. Par ailleurs, les adultes de la région étaient proportionnellement moins nombreux que ceux du Québec à posséder un ordinateur (56 % c. 81 %), un téléphone cellulaire (72 % c. 83 %) ou une tablette électronique (52 % c. 61 %)3. Précisons que les données ne permettent pas de qualifier la qualité et la rapidité de la connexion Internet résidentielle ou encore l’extension du réseau cellulaire. Il appert que malgré les initiatives publiques pour accroître l’accès au numérique, on observe que cette fracture est persistante.

Deuxième fracture
La deuxième fracture se concentre sur les disparités dans les compétences nécessaires à l’utilisation du numérique. En Abitibi-Témiscamingue, la proportion d’internautes réguliers se maintient en fin de peloton avec une part de 79 % d’internautes, comparativement à 94 % pour l’ensemble des régions3. Généralement, les adultes âgés de 45 ans et plus sont moins nombreux à utiliser Internet. Aussi, on note une moindre proportion de personnes (51 %) ayant effectué au moins un achat en ligne que celle observée dans l’ensemble du Québec (62 %)3. Ce degré de fracture met également en relation les niveaux de littératie nécessaire à l’utilisation du numérique. Le rapport rappelle qu’il est essentiel de reconnaître que l’accès aux technologies ne garantit pas une utilisation efficace et autonome. À ce chapitre, la littératie demeure un enjeu majeur dans la région où 58 % de la population adulte de 15 ans et plus n’atteint pas le niveau minimal requis pour fonctionner de manière autonome. Ce taux de littératie positionne l’Abitibi-Témiscamingue parmi les régions du Québec avec les plus fortes proportions de personnes analphabètes.

Troisième fracture
La troisième fracture concerne les inégalités liées aux avantages potentiels découlant de l’utilisation des technologies numériques. Le rapport met l’accent sur l’utilisation d’Internet pour interagir avec les services gouvernementaux. De récentes données québécoises indiquent que les services en ligne ne profitent pas uniformément à la population. En 2023, 22 % de la population québécoise déclarait ne pas utiliser les services gouvernementaux en ligne, avec des différences notables selon l’âge, le revenu et le niveau d’éducation. Les 55 ans et plus, les personnes adultes diplômées du primaire ou du secondaire ou encore celles ayant des revenus de 40 000 $ et moins avaient moins tendance à utiliser Internet pour interagir avec le gouvernement4.

En conclusion
À la lumière des diverses mesures et pratiques d’inclusion numérique recensées dans le rapport, les auteures préconisent l’adoption d’une approche intégrée qui englobe l’accès au numérique, la conception inclusive, la médiation numérique et l’éducation au numérique. Ces notions mettent en évidence certains angles morts qui contrecarrent les efforts d’inclusion du numérique, notamment l’absence de stratégie nationale d’inclusion numérique, de maillage territorial, d’un repérage des publics en situation de vulnérabilité numérique ou encore d’un soutien financier et technique aux organismes communautaires qui jouent un rôle dans l’atténuation des effets des fractures numériques.  

Sources : 1. Hébert et coll., La fracture numérique : contexte québécois, pistes d’action et perspectives internationales, INRS pour le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2024.  2. Secrétariat à l’Internet haute vitesse, Carte interactive : dernière publication 30-09-2024 [en ligne].  3. Académie de la transformation numérique (ATN), Portrait numérique des régions - Abitibi-Témiscamingue et ensemble du Québec, 2023.  4. ATN, NETendances 2023 - Services gouvernementaux en ligne, données citoyennes et cybersécurité, 2024.



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